Il est trop tard pour visiter Sempé : Infiniment vôtre, l’exposition à la Fondation Folon (La Hulpe, Belgique), qui s’est terminée ce 5 mars. Je tenais tout de même à vous en parler parce qu’elle m’a permis de (re)découvrir l’art fragile et délicat de ce dessinateur exceptionnel à plus d’un titre.
Sempé chez Folon
La Fondation Folon s’est installée dans la ferme du château de La Hulpe, à 15 minutes de Bruxelles. C’est dans ce cadre paisible que les visiteurs peuvent découvrir les oeuvres de Jean-Michel Folon (1934-2005), illustrateur belge de renommée internationale, qui partage plus d’un point commun avec Sempé. Je reviendrai sur les collections permanentes du musée dans un prochain billet.
L’exposition temporaire Sempé : Infiniment vôtre, prévue avant le décès de Jean-Jacques Sempé survenu en août 2022, retraçait la carrière du dessinateur en une sélection d’une centaine de dessins originaux.

Le Petit Nicolas est un peu belge
Né en 1932 à Bordeaux, Jean-Jacques Sempé commence à travailler comme dessinateur d’humour un peu par hasard, parce qu’il ne savait pas vraiment quoi faire d’autre. Au début des années 50, il vend ses premiers dessins à un quotidien local, en complément de petits boulots.
C’est lors de sa collaboration avec l’hebdomadaire belge Moustique qu’en 1954, sa carrière prend un tournant décisif, avec une série de dessins mettant en scène un petit garçon facétieux qu’il prénomme Nicolas (d’après le fameux marchand de vin).
Comme les lecteurs apprécient le personnage, le directeur de Moustique propose d’en faire une bande dessinée. Sempé appelle René Goscinny à la rescousse. Quelques planches paraissent en 1955, mais le dessinateur, qui déteste les contraintes de la bande dessinée, abandonne rapidement l’exercice.
Le personnage renaît quelques années plus tard sous forme de récit illustré dans Sud-Ouest Dimanche, puis en album. Le premier livre se vend modestement, mais le succès ira croissant au fil des parutions. Depuis, les aventures du Petit Nicolas ont été vendues à 15 millions d’exemplaires dans 45 pays.
De Paris à New York
Au fil des années, sa carrière se développe. Installé à Paris, il travaille pour plusieurs magazines et journaux (Paris Match, Pilote, L’Express, Le Figaro…), publie un premier recueil de dessin en Allemagne, collabore avec la revue satirique anglaise Punch. L’Express l’envoie comme envoyé spécial aux USA. En 1978, Sempé dessine sa première couverture pour le New Yorker, légendaire magazine américain. Elle sera suivie par une centaine d’autres.

Les décennies passent. Les recueils de dessins se succèdent. Tandis que sa renommée va croissant, L’artiste gagne en maturité et ses dessins évoluent. Il se détourne du gag à tout prix, dans des dessins parfois drôles, parfois simplement tendres, toujours décalés et composés avec cette poésie graphique qui lui est caractéristique.
Le style Sempé
Ce qui vous frappe d’abord en découvrant les originaux de Sempé, c’est leur petit format. Des traits fins à l’encre de Chine posés sur le papier, parfois une touche de couleur, plus rarement un dessin à l’aquarelle. Le dessinateur est un miniaturiste, qui soigne les détails avec beaucoup de précision tout en évitant scrupuleusement les traits superflus.
Le style a peu évolué en près de 70 ans de carrière. Le dessin s’est affirmé, mais très tôt on retrouve ce qui est un peu sa signature graphique : de grands espaces dans lesquels les personnages sont toujours un peu perdus, que ce soit à l’intérieur d’un appartement, dans la rue d’une métropole ou dans la quiétude de la campagne.

Parfois une légende vient souligner ou faire rebondir le sens du dessin, mais la plupart du temps l’image est compréhensible sans le texte. Il se dégage de l’ensemble de ces oeuvres un forme d’intemporalité et d’harmonie, créant ainsi une bulle où le lecteur/spectateur se sent bien, oublie la grisaille, la crise, les difficultés.
A travers le parcours qui mélange les époques, l’exposition a choisi de ne pas explorer la biographie de l’auteur ni d’expliquer son processus créatif. Sempé était un homme discret et modeste, qui portait un regard souvent critique sur son travail. De sa manière de faire, on retiendra juste que s’il passe beaucoup de temps à la recherche de la bonne idée (et probablement de la bonne façon de la mettre en image), rien ne transparaît de ce patient travail dans le dessin final.

Pour aller plus loin
A la fin de l’exposition, j’ai acheté à la boutique du musée le livre Sempé, itinéraire d’un dessinateur d’humour, aux éditions Martine Gossieaux. A travers une belle sélection de dessins, il fournit quelques détails supplémentaires sur le parcours du dessinateur, sans dissiper tout le mystère qui entoure cet artiste sensible et délicat.
Sempé, on adore depuis toujours ! Souvent, on doit juste se laisser porter par les images, notre ressenti, sans chercher à en savoir plus…
Joli reportage à la Fondation Folon (que j’apprécie beaucoup également ). Le premier croquis me fait penser à des tableaux de Edward Hopper chez qui on ressent la solitude des personnages.
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