Films culte : « Dune » de Denis Villeneuve

Pour ce troisième épisode de la série « Films culte« , après Edward aux mains d’argent de Tim Burton et Shining de Stanley Kubrick, je n’imaginais pas consacrer un article (et une illustration) au Dune de Denis Villeneuve. En sortant de la salle de cinéma, l’idée s’est pourtant imposée comme une évidence.

N’est-ce pas abusif de traiter de film culte un film qui vient à peine de sortir (au moment où j’écris ces lignes, il n’est même pas encore sorti aux Etats-Unis) ? Eh bien, non ! Pour plusieurs raisons. D’abord, parce que ce blockbuster ambitieux et coûteux a bien failli ne jamais sortir en salle, à cause de la COVID-19. Ensuite, parce que c’est l’adaptation d’un roman visionnaire, qui a donné naissance à tout une saga et influencé profondément la littérature de science-fiction et les artistes. Le rapport entre le livre et le cinéma a été épique et compliqué, et est à lui seul un vrai roman. Enfin, le film est extraordinaire. Même s’il n’est pas exempt de défauts, c’est un des plus beaux films de science-fiction que j’ai vus.

Mettons donc le cap sur Arrakis, la planète des sables, à la découverte de Dune et de son univers.

Dune de Denis Villeneuve avec Timothée Chalamet : affiche alternative - illustration vectorielle

Dune, un livre culte

Quand il publie le roman Dune en 1965, le journaliste Frank Herbert est encore un jeune écrivain. Il n’a publié auparavant qu’une poignée de nouvelles et un roman de science-fiction. Ce nouveau roman, inspiré par un travail de repérages pour un article, lui a demandé plusieurs années de recherches et d’écriture. Prépublié en feuilleton dans la revue SF Analog, il a été refusé par une vingtaine d’éditeurs, avant d’être accepté par Chilton Books, un petit éditeur de Philadelphie spécialisé dans les manuels de réparation automobiles.

Dune plaît aux critiques, remporte des prix prestigieux, mais ne rencontre pas un succès fulgurant à sa sortie. Ce n’est pas un best-seller immédiat. Le livre se vend bien, mais pas assez au début pour que Frank se consacre exclusivement à l’écriture.

La renommée grandissante du livre ouvre des portes à Frank Herbert, qui s’attelle à une première suite. Le Messie de Dune paraît en 1969. Le succès critique et commercial est à nouveau au rendez-vous. Bientôt, Frank peut se consacrer exclusivement à l’écriture et à l’élaboration de l’univers qu’il a créé.

Son Cycle de Dune se compose de six romans et reste inachevé. En 1986, Frank Herbert décède sans avoir pu mener à bien le 7e et dernier roman de sa saga. Une dizaine d’années après la mort de son père, Brian Herbert reprend le flambeau. Il s’allie avec l’écrivain Kevin J. Anderson pour écrire une série de romans qui explorent l’univers de Dune, détaillant les événements antérieurs au roman initial. Se basant sur des notes de son père, il publie aussi deux romans qui concluent la saga.

Ornithoptères de Dune - dessin vectoriel
Les ornithoptères, une des inventions de Frank Herbert.

Qu’est-ce que ça raconte ?

Tenter de résumer Dune est périlleux. Le premier volume du cycle est un roman fleuve, complexe et dense. Frank Herbert y dépeint un univers sous la coupe d’un empereur tout puissant, qui asseoit son pouvoir sur une série de grandes maisons. Les Atréides sont une de ces familles aristocratiques. Lorsque débute le livre, le duc Atréides a reçu en fief la planète Arrakis, surnommée Dune. C’est une planète hostile et aride, mais cruciale pour l’Empire, puisque c’est là, dans ses immenses déserts, qu’est extraite la précieuse Epice, qui permet notamment le voyage intergalactique.

Lorsqu’il débarque sur Arrakis, le jeune Paul Atréides, fils du duc Leto, ignore que son destin va basculer. Les Atréides tombent dans un piège tendu par le baron Harkonnen, ennemi juré du duc et précédent exploitant de l’Epice, avec la complicité de l’Empereur. Au contact des Fremens, les mystérieux habitants de la planète, Paul part à la découverte des secrets d’Arrakis et prépare sa vengeance contre ses ennemis.

Shai-Hulud, le ver des sables géant de Dune
Shai-Hulud, le ver des sables géant, le maître de Dune.

Pourquoi c’est culte ?

Dune est un livre-univers. Un roman d’apprentissage. L’histoire du passage d’un adolescent à l’âge adulte. C’est aussi une histoire d’amour, entre un homme et une femme, entre un homme et un peuple, entre un homme et une planète. C’est aussi un livre qui parle d’écologie, de politique, de spiritualité et qui dépasse largement le cadre de la science-fiction.

Il y a tant de bonnes raisons qui expliquent le pouvoir de fascination qu’exerce ce livre depuis sa sortie. Je l’ai lu une première fois quand j’étais ado. J’ai dû m’accrocher au début du livre, avant d’être emporté par le souffle épique du récit. Je l’ai relu quelques années plus tard, ramené dans cet univers par l’adaptation en jeu vidéo. C’est un des rares romans que j’ai lus deux fois. Et je sais que je le relirai tôt ou tard (et même plus tôt que tard après avoir vu le film de Villeneuve). Vingt ans après la dernière lecture, les détails se sont estompés dans ma mémoire, mais je reste sous le charme du livre.

En revanche, j’ai commencé la suite, Le Messie de Dune que je n’ai jamais terminé. Et je n’en garde aucun souvenir. Ce n’était peut-être pas le bon moment.

Chani, la jeune Fremen de Dune - dessin vectoriel
Sur Arrakis, les Fremen font basculer le destin de Paul Atréides.

La folie de Jodorowsky

Très vite, l’univers de Dune intéresse les cinéastes. En 1973, le réalisateur et scénariste Alejandro Jodorowsky se lance dans un projet d’adaptation démentiel. Il imagine un casting composé notamment de Salvador Dali, Amanda Lear, Orson Welles, Alain Delon et Mick Jagger. Pour la musique, il contacte Pink Floyd et Peter Gabriel. Il embauche Jean Giraud/Moebius et H.R. Giger pour la conception graphique du film. Il accumule des notes et des idées dans un scénario délirant, prévu pour un film de 14 heures, avant d’être lâché par les banquiers. Il réutilisera une partie de ses idées dans ses scénarios de BD pour la Caste des Méta-Barons. Les dessins et le storyboard de Giger et de Giraud influenceront Star Wars et Alien.

De Ridley Scott à David Lynch

En 1976, le producteur italien Dino De Laurentiis acquiert les droits d’adaptation du livre. Il engage Frank Herbert pour écrire l’adaptation de son propre roman. Le producteur se tourne vers Ridley Scott, qui vient de signer Alien, qui a récupéré une partie de l’équipe créative de Jodorowsky. Le scénario est réécrit, des décors sont construits, mais Ridley Scott abandonne le projet pour raisons personnelles.

De Laurentiis contacte alors David Lynch pour réaliser le film. Lynch refuse le Retour du Jedi et relève le défi, malgré son manque d’intérêt pour la science-fiction et sa méconnaissance du livre de Herbert. Il se lance dans l’écriture d’un nouveau scénario, se fâche avec ses co-scénaristes, puis s’enlise dans les réécritures.

Après un long tournage au Mexique, David Lynch livre un premier montage de 4 heures. Les producteurs attendaient un film de deux heures. L’oeuvre échappe à son réalisateur. Des scènes passent à la trappe, de nouvelles scènes sont tournées pour simplifier l’intrigue et une voix off est ajoutée.

Dune de David Lynch sort en décembre 1984. Les critiques sont mauvaises. Elles saluent l’aspect visuel du film, mais fustigent le script, jugé incompréhensible et incohérent. C’est un échec retentissant. Lynch désavoue le film et refuse même que son nom figure au générique des tentatives ultérieures de remonter le film en une version longue pour la télévision.

Film raté, film maudit, cette adaptation de Dune divise les fans du livre. Frank Herbert lui-même félicite le travail de Lynch, tout en critiquant certains choix d’adaptation. Malgré ses défauts, le film attire de nouveaux fans et de nouveaux lecteurs dans l’univers de Dune.

Les miniséries Dune

L’échec de David Lynch ne décourage pas les cinéastes. En 2000, John Harrison adapte le roman en une minisérie pour la télévision, avec notamment William Hurt au casting. Frank Herbert’s Dune est suivie en 2003 par Frank Herbert’s Children of Dune, qui fusionne les deuxième et troisième romans du cycle. Les critiques saluent la fidélité de ces adaptations, mais déplorent le manque d’ampleur visuelle et des faiblesses de casting.

Dune de Denis Villeneuve

Après l’abandon d’un nouveau projet d’adaptation cinématographique porté par Paramount, Legendary Pictures rachètent les droits et engagent le réalisateur canadien Denis Villeneuve pour écrire et réaliser une nouvelle adaptation.

Grand admirateur du livre original depuis son adolescence, Villeneuve travaille d’emblée sur une adaptation du livre en deux films distincts. Tout en restant fidèle à la trame du bouquin, il cherche à en souligner la dimension écologique et à développer les personnages féminins.

Le tournage du film débute en mars 2019 à Budapest et se poursuit en Jordanie, en Norvège et dans le désert d’Abu Dhabi jusqu’en juillet 2019. La date de sortie prévue, le 20 novembre 2020, est à plusieurs reprises déplacée à cause de la pandémie de COVID-19.

Après une présentation aux festivals de Venise et de Toronto, le film sort enfin en septembre 2021, sauf au Etats-Unis, où la sortie est prévue le 22 octobre 2021. Le film y sortira simultanément en salles et sur HBO Max, le service de streaming de Warner.

Timothée Chalamet (Paul Atréides) dans Dune - dessin vectoriel (détail)
Timothée Chalamet incarne Paul Atréides

Denis Villeneuve a-t-il réussi son pari ?

Dès les premières images du film, l’amour et le respect de Villeneuve pour l’univers de Frank Herbert sautent au yeux. La mise en scène est soignée et esthétique. Les décors sont spectaculaires. D’abord la froide et humide Caladan, planète natale de la maison Atréides. Puis les sables d’Arrakis, où se noue le destin des protagonistes. La photographie désaturée met en lumière le côté brutal et dangereux de la planète, à défaut de nous en faire ressentir la chaleur. L’attention méticuleuse portée aux détails, aux costumes, aux matières, aux décors, aux engins et accessoires achetésève de donner vie à l’univers.

L’action progresse lentement. Paul Atréides (Timothée Chalamet) est au centre de l’intrigue. Comme dans le livre, il y a plus de tension que d’action au début du film. Il faut du temps pour poser les enjeux et mettre en place l’échiquier sur lequel repose toute la trame. Villeneuve entrecoupe ces scènes d’exposition de visions prophétiques de Paul, qui présagent d’un futur à la fois dramatique et spectaculaire.

Et puis le piège se referme, comme la gueule du Shai-Hulud, le ver de sable. La violence se déchaîne et le destin de Paul Atrèides bascule.

N’en racontons pas plus, pour ne pas spoiler les novices. Sur un rythme lancinant, le film nous emporte sur les pas de Paul à la découverte des secrets d’Arrakis, de Dune et de son univers. Le scénario est très fidèle au souvenir que j’ai du livre.

Denis Villeneuve ne cherche pas à séduire les fans de Star Wars (contrairement à ce que suggère l’affiche américaine du film). Le rythme et l’esthétique rappellent plutôt 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, Interstellar de Christopher Nolan et les deux incursions SF de Villeneuve, Arrival et Blade Runner 2049.

Le seul bémol pour moi concerne la musique de Hans Zimmer. Elle colle parfaitement à l’ambiance du film au début, mais au fur et à mesure de la progression, je l’aurais voulue moins bruitiste, plus épique. Dommage, car d’ordinaire, j’apprécie le travail de ce compositeur.

Inspiration et illustration

J’avais des images plein la tête en sortant de la salle. Et une énorme envie de voir la suite de la vision de Villeneuve. Il faudra patienter, puisqu’elle n’est pas encore tournée. Et ne sera mise en chantier que si ce premier volet est un succès public. On croise les doigts.

Le film m’a donné envie de me replonger dans les livres aussi. Et l’envie pressante de dessiner une affiche illustrant ma vision de Dune. Cette illustration vectorielle est donc autant un hommage au film de Villeneuve qu’une vision plus personnelle sur certains éléments du film.

Dune (2021) de Denis Villeneuve - dessin sur Procreate
Première recherche, dessinée sur iPad juste après avoir vu le film.

Le futur de Dune

Le culte de Dune n’est pas près de s’achever, même si le film de Villeneuve ne connaît pas de suite. Une série parallèle au film, centrée sur les Bene Gesserit est en projet. Le roman Dune est à présent un des romans de science-fiction les plus lus au monde. Chaque jour de nouveaux adeptes sont séduits. Régulièrement, Brian Herbert continue à apporter de nouvelles pierres à l’édifice commencé par son père.

Les livres et les films ont déjà inspiré bien des musiciens, dont Klaus Schulze, Iron Maiden, Tool ou Thirty Seconds To Mars. L’univers a aussi donné naissance à plusieurs jeux vidéo, dont le premier jeu de stratégie en temps réel. Il ne faut pas être prophète ou mentat pour deviner qu’il y en aura d’autres. Plusieurs bandes dessinées sont aussi en préparation, sous le contrôle de Brian.

J’espère que cet article et ces illustrations t’ont donné envie d’aller voir le film, et, mieux encore, de découvrir le livre. Dune c’est tout un univers, une oeuvre fascinante et foisonnante, qui échappe à tout contrôle. Qui appelle à plusieurs lectures, qui suscitent de nouvelles visions, de nouvelles créations.

4 commentaires sur “Films culte : « Dune » de Denis Villeneuve

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  1. Je l’ai vu la semaine dernière, je suis très fan de SF de manière générale, et surtout quand ce n’est pas que de l’action. Je n’ai jamais lu les livres, j’avais vu il y a bien longtemps le Dune de David Lynch, que j’avais trouvé intéressant sur le pitch de base, mais trop kitch dans sa réalisation.
    J’ai beaucoup aimé le film de Villeneuve, très beau visuellement, on ne peut pas le nier. J’ai aimé le traitement lent au début, qui pose des bases, permet de développer les personnages. J’aime le fait qu’il ait montré des scènes plus psychologiques, qui explorent les « rêves » du héros.
    J’attends la suite, mais effectivement, il va falloir attendre ! 🙂

    Aimé par 1 personne

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