La ville de Charleroi, en Belgique, traîne une mauvaise réputation. Ce serait une des villes les plus dangereuses d’Europe. Une ville moche et déprimante à ne surtout pas visiter. Pourtant, nous l’avons visitée un samedi, pour aller au musée des Beaux-Arts voir l’expo Dupuis : la Fabrique de héros. Cette réputation est-elle méritée ? Charleroi mérite-t-elle une visite ? Partons le découvrir.
Le pays noir
Au 19e siècle, d’importants gisements de charbon à fleur de terre vont faire la fortune de la région de Charleroi et lui donner ce surnom de Pays Noir. Les charbonnages fleurissent, les terrils redessinent le paysage. Des verreries et des hauts-fourneaux s’installent et prospèrent. L’essor de ces industries florissantes participent à la grandeur industrielle de la Belgique. Charleroi est alors une des villes les plus riches du pays.
Mais, au milieu du 20e siècle, la révolution industrielle s’essouffle. Les mines de charbon ferment les unes après les autres. Les usines sidérurgiques périclitent, incapables de lutter contre la concurrence des pays émergents. La ville porte encore les stigmates de ce déclin économique. Les commerçants ont fui le centre ville vers la périphérie, la criminalité et l’insécurité ont grimpé en flèche.

Depuis une décennie, la ville tente de redorer son blason et de faire revenir les touristes et les visiteurs, à travers une série d’initiatives urbanistiques : rénovations et mise en valeur du patrimoine architectural, nouvelles constructions, aménagement d’une nouvelle place…
De la gare à la Ville-Basse

En sortant de la gare, on constate que les travaux d’embellissement de la ville ne sont pas terminés. Il faut se frayer un chemin à travers le chantier d’un futur terminal des bus pour se diriger vers la Ville-Basse, le centre historique de Charleroi. En chemin, nous découvrons le paysage urbain contrasté de la ville, composé d’anciennes usines, d’immeubles délaissés au passé glorieux et de street art coloré, qui témoigne d’une nouvelle vitalité.

Le Mineur accroupi de Constantin Meunier veille sur le pont Roi Baudouin, qui enjambe la Sambre pour mener à la Ville-Basse. Cette statue, qui évoque le Penseur de Rodin, témoigne du passé minier et industriel de Charleroi.

Grandeur, décadence et renouveau de la Ville Basse
En entrant dans la Ville-Basse, ce qui frappe d’abord c’est le calme. Nous sommes un samedi matin, le soleil d’avril est de la partie. Pourtant, les rues sont étrangement calmes et vides. On y éprouve une impression de ville fantôme.

Les rues désertes, les nombreux commerces à louer, les graffitis sur le mobilier urbain témoignent que le pari de faire renaître la grandeur passée de Charleroi n’est pas encore gagné. C’est dommage, car on ne peut nier que ces rues pavées et ces bâtiments ont beaucoup de charme.

Le passage de la Bourse
Le Passage de la Bourse est notre coup de coeur de la Ville-Basse. Cet élégant passage couvert rappelle les Galeries Royales Saint-Hubert de Bruxelles, mais a connu une histoire mouvementée. Témoin de la grandeur industrielle de la ville, avec sa belle verrière en fer et en verre, il a ensuite beaucoup souffert du déclin économique. La Bourse, à qui il doit son nom, a disparu. Les commerces qu’il abritait on périclité. Une de ses entrée a disparu. La RTBF qui s’y était installée l’a déserté.

Une rénovation à l’aube des années 2000 lui a rendu son lustre d’antan. Forcée de cohabiter avec le tout nouveau centre commercial Rive Gauche, avec lequel il communique, il abrite aujourdhui des bouquinistes et des cafés à l’esprit plus bohème que bourgeois, fort différent du chic des galeries bruxelloises.

La Place verte et Rive Gauche
La Place verte et le centre commercial Rive Gauche font partie des aménagements récents que la ville a réalisés pour ramener les touristes et les clients au centre ville. D’un côté de cette esplanade qui n’a de vert que le nom, se trouve donc la grande façade de verre de ce fameux Rive Gauche.

Nous n’avons pas pris le temps de découvrir l’intérieur de ce centre commercial, mais la présence de Petzi sur la façade, un personnage BD un peu oublié, nous a intrigué. Ce n’est pas le plus carolo des persos BD, puisqu’il a été créé par un couple danois. Après vérification, le mystère est élucidé : Petzi et sa montagne de crêpes annonçait la fête des crêpes, une tentative de record du monde de la plus haute pile de crêpes, organisée par Rive Gauche.

En face de Rive Gauche, se dresse la silhouette de l’ancien Hôtel des Postes de Charleroi, dans lequel s’est installée la librairie Molière. Il y a sur cette place plus d’animation, surtout l’après-midi quand ces photos ont été prises.
Dans un coin de la place, à côté de la librairie, la voiture de Gaston Lagaffe témoigne une fois de plus des contradictions de Charleroi. La réplique de la vieille guimbarde du personnage de Franquin fait le bonheur des amateurs de selfies, mais la statue de Gaston a été emballée dans l’attente d’une restauration après avoir été décapitée par des vandales.

Boulevard Tirou
En longeant le boulevard Tirou, en direction de la Ville-Haute, nous remarquons le bas-relief sur le pignon arrondi de l’immeuble massif Notre Maison, construit en 1950 pour le Mouvement ouvrier chrétien.

Vers la Ville-Haute
Nous avons suivi Google Maps pour nous conduire, à pied, vers le musée des Beaux-Arts, dans la Ville-Haute. Il nous a choisi le chemin le plus court, mais certainement pas le plus pittoresque. Nous avons longé pendant une dizaine de minutes une large avenue sans charme et vu défiler une succession d’immeubles modernes fonctionnels qui n’ont guère séduit notre objectif photographique. En apercevant au loin un mur couvert de street art et les silhouettes de bâtiments plus intéressants, nous nous sommes demandés s’il n’y a pas un chemin plus intéressant.

La Caserne Caporal Trésignies
En approchant du musée des Beaux-Arts, la vieille façade en briques rouges d’un bâtiment a enfin attiré notre attention. La caserne Trésignies est une ancienne installation militaire construite en 1887, rebaptisée en mémoire du caporal Léon Trésignies, mort pendant la Première Guerre mondiale. Elle abrite aujourd’hui le Musée des chasseurs à pied et des espaces pour les entrepreneurs.

A travers les grilles de la caserne, nous apercevons la tour-signal de Jean Nouvel, qui abrite la Police de Charleroi et qui jouxte le Musée des Beaux-Arts, notre destination. Mais avant de visiter le musée et l’expo pour lesquels nous sommes venus, comme il est midi, nous cherchons un endroit où manger.

Où manger dans la Ville-Haute ?
Nous n’avions pas réservé de resto pour le repas de midi, car nous pensions trouver facilement un endroit pour casser la croûte. Il n’y a actuellement pas de restaurant ou cafétéria au musée. Ce jour-là (un samedi d’avril), tous les restaurants, brasseries ou sandwicheries dans les environs immédiats du musée étaient fermés à midi. Nous avons donc dû nous écarter de notre destination pour trouver où manger.
Nous avons fini par trouver une brasserie qui annonçait de la petite restauration. Je n’en citerai pas le nom, car je ne vous la recommande pas. Il faut sonner à la porte pour qu’on vienne nous ouvrir. A l’intérieur, l’unique barman/serveur nous annonce qu’il n’y a ce jour-là à la carte que des croque-monsieur. Le croque-monsieur est bon, mais l’ensemble de l’expérience nous laisse une impression surréaliste.

Le musée des Beaux-Arts
C’est pour l’exposition « Dupuis : la Fabrique des héros » que nous sommes venus à Charleroi. Nous en avons relaté la visite dans ce précédent article. Cette expo, qui célèbre les 100 ans de la maison Dupuis, est l’exposition inaugurale du Musée des Beaux-Arts, qui rouvre après trois ans de fermeture dans un nouvel écrin, les anciennes écuries Defeld, au pied de la tour-signal dessinée par Jean Nouvel.
Installée au premier étage, la collection permanente est petite, mais comporte de belles pièces. J’ai particulièrement aimé les Magritte et les peintures inspirées par le Pays noir. Les terrils et usines du paysage industriel de la région ont inspiré les artistes, à la charnière entre le 19e et le 20e siècle. S’attachant aux paysages ou aux ouvriers qui y vivaient et travaillaient, leurs toiles réalistes, impressionnistes ou expressionnistes témoignent de ce monde disparu. Les images sont parfois violentes et dramatiques, parfois plus poétiques.

Plus tard, les surréalistes comme Magritte ou Delvaux ont préféré tordre la réalité (pour mieux la supporter ?) et s’en éloigner. Le musée présente une belle série de toiles de Magritte, dont l’ébauche de la peinture murale réalisée pour le Palais des Beaux-Arts de Charleroi.
Rien à visiter à Charleroi ?
Quand nous sommes sortis du Musée des Beaux-Arts, il était presque l’heure de reprendre le train. Nous sommes redescendus vers la Ville-Basse, avons bu un verre en face de la Place Verte, dans un café sans charme, mais au service efficace, puis nous sommes retournés vers la gare.

Nous n’avons pas tout vu à Charleroi. Les musées les plus intéressants sont sans doute hors du centre ville. Il y a le site du Bois du Cazier, un charbonnage où 262 mineurs sont morts lors d’un accident en 1956. Ce lieu de mémoire, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, abrite aussi les musées de l’Industrie et du Verre.
A Mont-sur-Marchienne, le Musée de la Photographie est un incontournable pour les photographes et les amateurs de photo.
Le site Charleroi Métropole Tourisme propose des idées de visites pour toutes les envies : parcours à pied ou à vélo à la découverte de la ville et de son bassin industriel, explorations urbaines, parcours street art ou Art Nouveau… La proposition la plus iconoclaste est sans doute le Charleroi Adventure City Safari, un safari urbain qui vous promet de vous emmener explorer le côté obscur de la « plus laide ville du monde« .
Une ville laide et dangereuse à (ne pas) visiter ?
Dans le train qui nous ramène à Liège, nous repensons à cette journée. Charleroi, ville moche et dangereuse ? Ce n’est pas notre ressenti. Sur le parcours qui nous a menés de la gare au Musée des Beaux-Arts, en passant par la Ville-Basse, nous avons découvert une ville au passé riche et glorieux qui a beaucoup souffert des crises économiques successives et de la désindustrialisation. Nous avons aussi vu les efforts de la ville pour effacer cette image négative et rendre Charleroi attractive à nouveau, pour les touristes et pour les habitants.

Les richesses du passé et les audaces du présent dessinent un paysage urbain aux multiples contradictions, visibles jusqu’au Musée des Beaux-Arts. Nous avons apprécié la balade dans la Ville-Basse, mais nous avons été déstabilisés par l’impression de « ville morte » que nous avons éprouvée à plusieurs endroits. Charleroi n’est pas moche ni sale (certains quartiers de Naples sont bien plus sales), elle est juste abandonnée par les touristes, les commerçants et les habitants. Il y a donc encore du travail pour en faire la ville attractive et conviviale qu’elle mérite d’être.
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Moche? Apparemment pas tant que cela si l’on fait abstraction de quelques « laideurs » communes à bien d’autres villes. Et puis la beauté d’un lieu pour la trouver il faut savoir la chercher
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Définitivement pas moche… contrairement à sa réputation !
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Manque juste d’un peu de verdure !
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Les réputations sont difficiles à changer malheureusement ! Et oui, Charleroi est à découvrir, c’est certain !!!
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Merci pour cette visite malgré tout, pas si moche ! Il est vrai que dans le contexte actuel, certaines municipalités ont des difficultés à trouver des solutions pour redorer leur blason. Et de plus, les commerces ont payé cher la pandémie.
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Il existe certainement à travers le monde des villes bien pires que Charleroi…
Voici une séquence tirée de l’émission belge « Le Grand Cactus ». Avec l’humour, on passe partout:
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Bel article pour cette ville à la réputation assez négative effectivement. Après ton article, j’en tire la même conclusion que toi, mais qui sait dans 10 ans, les touristes seront revenus, la plupart des chantiers terminés !? 😀
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