L’Intelligence Artificielle a déboulé subitement dans la vie des artistes et des créatifs. Tout à coup, ont fleuri sur les réseaux sociaux ces images incroyables (parfois dans les deux sens du terme) générées par des machines à partir de requêtes textuelles entrées par les utilisateurs. La stupéfaction initiale a engendré de nombreuses questions. Faut-il utiliser ces IA ? Faut-il les craindre ? Est-ce un danger ou une opportunité ?
Dans cet article, je vous livre mon point de vue d’illustrateur et de photographe sur ces technologies : comment j’ai réagi à l’apparition des premières réalisations générées par Midjourney ou DAll-E, mes doutes et mes craintes, pourquoi j’ai testé Adobe Firefly et la dernière version beta de Photoshop. Ce nouvel outil a-t-il modifié mon avis sur les IA ?
Premières réactions face aux IA génératives
Quand j’ai découvert les premières images générées par l’Intelligence Artificielle, j’ai été stupéfait. J’en étais resté à une vision qui disait « Ce n’est pas demain la veille qu’une IA remplacera les artistes !« . Rapidement, à cette stupéfaction initiale, ont succédé d’autres émotions : agacement, doute, crainte, colère.
Agacement devant l’accumulation d’images générées à la chaîne par Midjourney ou Dall-E. Doute devant la qualité et l’inventivité de certaines de ces images (ces fameuses mains à 6 doigts !). Crainte face aux conséquences sur le travail et la profession des créatifs. Colère devant le manque d’esprit critique et à l’idée qu’une machine (ou un programme informatique) puisse égaler voire dépasser la créativité et l’intelligence humaine.
Pour ou contre l’IA ?
L’IA générative a divisé rapidement les artistes et créateurs. D’un côté, le camp des anti-IA, qui refusent catégoriquement d’utiliser l’intelligence artificielle pour créer des images (et que ces images soient même utilisées et diffusées). De l’autre, les « IA enthousiastes« , qui ont plongé dans l’outil à pieds joints pour créer des images inédites et spectaculaires. Certains l’ont fait avec un esprit critique, dans l’idée de montrer les failles et les limitations de cette nouvelle technologie. D’autres, moins scrupuleux, ont bâti une notoriété et un business sur ces nouveaux outils sans se soucier des questions éthiques, juridiques ou purement artistiques qu’elles posaient.
Je suis resté un temps coincé à la croisée des chemins, à la fois concerné par les problèmes que les IA posaient et démangé par l’envie de tester ce jouet extraordinaire.
Faut-il utiliser Midjourney ou Firefly ?
Je me suis connecté à Midjourney dans le but de voir ce que cet outil pourrait apporter à mon processus créatif, mais j’ai fait rapidement marche arrière devant l’aridité de l’interface. Je me suis rendu compte alors que créer des images en tapant du texte ne me motivait absolument pas.
Il a fallu l’arrivée de la version beta de Adobe Firefly, il y a quelques semaines, pour me faire changer d’avis. Ce générateur d’art IA conçu par les créateurs de Photoshop ou d’Illustrator promettait beaucoup, dans un cadre éthique respectueux de la propriété intellectuelle.
Malgré une interface plus intuitive et rassurante, la première version de Firefly est plus riche en fonctionnalités en développement qu’en fonctionnalités réelles. J’ai fait quelques essais qui ne m’ont pas vraiment convaincu. Cette IA générait des images intéressantes, mais trop banales ou trop imparfaites pour nourrir mon processus créatif et s’intégrer dans mon workflow. Le plus frustrant, c’était de ne pas pouvoir utiliser d’images personnelles comme base de travail. J’ai donc gardé l’idée de continuer à explorer l’outil dans un coin de ma tête, de suivre les prochaines versions de l’outil et je suis retourné à mon travail.
Et puis est arrivée la dernière version Beta de Photoshop, qui intègre cette IA générative. Les présentations d’Adobe et les premiers essais de cette version de Photoshop dopée à l’IA que j’ai vus sur les réseaux sociaux m’ont immédiatement convaincu de tester ce nouvel outil qui s’annonçait comme un « game changer ».

Premier test de l’IA dans Adobe Photoshop
Dans la dernière version beta de Photoshop, Adobe promet la possibilité de générer des éléments dans une image à partir d’un champ textuel. Cette IA permet aussi d’étendre en un clic une image existante ou de supprimer des éléments indésirables dans les photos. Photoshop associe ainsi Firefly avec d’autres fonctionnalités utilisant l’IA, introduites dans des versions précédentes et conçues pour faciliter le travail de sélection notamment.

En guise de premier test de Firefly dans Photoshop, j’ai utilisé une photo que j’ai prise récemment à Garda, au bord du Lac de Garde. Comme il ne faisait pas beau ce jour-là, le lac évoquait vaguement un loch écossais. Et si nous demandions à l’IA de générer un monstre du type Nessie dans ce lac qui ressemble un peu au Loch Ness ?
Je commence donc par sélectionner sur ma photo, avec l’outil Lasso (mais on peut utiliser n’importe quel outil de sélection), la zone où je veux insérer mon monstre du Lac de Garde. Apparaît alors, dans le nouveau menu contextuel, le champ textuel du remplissage génératif.
Première difficulté : le champ textuel n’est actuellement disponible qu’en anglais. Il faut donc traduire notre idée et notre requête en un prompt in english. Le premier essai n’est pas du tout concluant. Le prompt « insert a brachiosaur in the lake » produit des résultats délirants. Des créatures qui ne ressemblent ni à des brachiosaures ni à des dinosaures réalistes.

C’est un peu mieux en demandant « un dinosaure nageant dans le lac« . Firefly génère un dino fantaisiste et non réaliste. Finalement, c’est le prompt « insert a monster (like a dinosaur) in the lake » qui produit le meilleur résultat. La créature générée est loin de mon idée initiale, mais elle plus ou moins réaliste. L’image ainsi obtenue est exploitable.
Verdict
Ce premier test de Adobe Firefly dans Photoshop n’est pas une complète réussite. Je n’ai jamais réussi à obtenir un résultat qui correspondait à l’image que j’avais en tête. Peut-être parce que je ne suis pas arrivé à traduire précisément en anglais mon concept. Les images générées par l’IA étaient pour la plupart complètement délirantes et ressemblaient de très loin à un dinosaure.
Malgré la médiocrité des résultats générés par l’Intelligence Artificielle d’Adobe, j’ai été impressionné par la rapidité et la facilité de l’outil. On sélectionne la zone où insérer un élément (ou que l’on veut modifier), on tape le prompt, et en quelques secondes Firefly génère plusieurs propositions sur un calque séparé. Et ce n’est que le début, une version beta. L’outil est appelé à évoluer et à s’améliorer dans les semaines et les mois qui viennent. Déjà, la toute nouvelle version d’Illustrator intègre une IA générative (que je suis impatient de tester). Et bientôt, ce sera le tour des logiciels de montage et de création vidéo.

Au delà de l’amusement à tester Firefly dans Photoshop, je suis convaincu par son intérêt. C’est bien plus qu’un gadget. Je réutiliserai cette IA à l’avenir. J’ai prévu de continuer à la tester sur des illustrations ou pour étendre des images existantes. En l’état, je sais déjà que je peux l’intégrer dans mon processus créatif, pour tester des idées de composition notamment. Je lui trouverai sans doute d’autres utilités à l’usage.
À son tour, cette expérience génère de nouvelles questions. Jusqu’à quand les réfractaires pourront-ils échapper à l’IA ? À quel point va-t-elle transformer nos logiciels et donc nos façons de les utiliser ? Quel en sera l’impact sur les images que nous produirons ? Est-ce qu’elle va nous permettre de créer de meilleures images ? Réponses aux prochains épisodes…
Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me laisser un commentaire, à partager vos expériences et vos avis sur cette question.
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Quand demain est déjà dans notre vie d’aujourd’hui ! C’est sûr, on ne peut y échapper à la condition d’arriver à maîtriser un minimum. Ton premier essai est parlant et j’ai hâte de voir tes futures créations.
Je me pose malgré tout la question de savoir quelle sera ensuite la place de la création de l’homme sans l’IA ? Comment sera-t-elle évaluée ?
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Super article bien expliqué
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