Pour un dessinateur, les carnets sont des objets intimes. Ce sont des coffres au trésor aussi, des livres précieux. Des brouets de sorciers où s’élabore la création, où sont jetées les premières idées, comme des incantations. Certaines produisent des étincelles, des oeuvres parfois complexes qui suivent leur cours.
Parfois, ces idées restent lettres mortes. Elle ne dépassent pas le stade du rapide dessin crayonné. Puis sont oubliées quand l’artiste passe à un autre carnet.
C’est à la recherche de ces dessins morts-nés que je suis parti dans cette nouvelle rubrique Carnets secrets. L’inspiration m’en est venue par hasard, un jour que je cherchais un dessin précis que je ne retrouvais pas.
En feuilletant mes carnets (que je n’avais pas pris la peine de systématiquement numéroter et dater), je me suis un peu perdu dans une jungle de dessins qui n’étaient pas tous à jeter.
Comme Indiana Jones, j’ai décidé d’en exhumer les trésors qui valaient la peine d’être montrés, comme ce dessin de Harry Potter, qui inaugure la rubrique.
Ce dessin a été réalisé alors que je travaillais sur le projet d’une affiche sur le revenu minimal de base mettant en scène le célèbre sorcier. J’ai dû trouver à l’époque que ce sourire sarcastique ne convenait pas pour ce projet. Aujourd’hui, je le redécouvre dans un autre contexte et je lui trouve beaucoup d’intérêt.

J’aime le mystère que dégage ce sourire. Est-ce l’expression machiavélique d’un garnement qui vient de réussir un mauvais coup ? Ou celui d’un héros qui a réussi le tour de force d’échapper au destin que lui réservait sa créatrice ?
En 2004, quand j’ai dessiné ce Harry Potter, on pensait que les aventures du sorcier et de ses amis étaient terminées, que J.K Rowling était passée à autre chose. On ignorait alors qu’il reviendrait dans une pièce de théâtre et qu’une nouvelle série de films explorerait leur univers.
Les grands héros ont ce pouvoir fantastique d’échapper aux volontés de leurs créateurs. Et les bons dessins d’échapper à leur prison de papier et de sortir des carnets où leur auteur les a oubliés. Là est peut-être le sens de ce sourire énigmatique.

A reblogué ceci sur A CHAQUE JOUR SA PROPRE BEAUTÉ.
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